Gabriel Croux, pépiniériste émérite

Gabriel Croux, dynamique maillon d’une dynastie de pépiniéristes, a assuré l’essor de ses pépinières en s’installant à la ferme de la Saussaye de 1847 à 1863.

Lorsque le pépiniériste Gabriel Croux prend en 1840, à 23 ans, la succession de son père, son premier geste est d’adhérer à la Société nationale d’horticulture pour s’ouvrir sur de nouvelles techniques arboricoles. Il travaille alors depuis 4 ans dans l’exploitation familiale à Vitry-sur-Seine, où il est né le 30 juillet 1817. Cette commune est réputée depuis longtemps pour ses nombreuses pépinières, qui commencent à s’étendre aux alentours. L’arrière-grand-père de Gabriel, Protais Croux, est entré dans la profession au milieu du XVIIIe siècle. La mère de Gabriel, née Foucault, et son épouse, Aimée Victoire Duchange, avec laquelle il s’est marié le 16 avril 1836, sont des filles et petites-filles de pépiniéristes. Contrairement à beaucoup de pépiniéristes vitriots routiniers, Gabriel expérimente dans son exploitation de 6 hectares des techniques innovantes (notamment dans la taille) et y introduit de nouvelles variétés de meilleure qualité d’arbres fruitiers et d’ornement. Cela lui fait remporter dès 1841 son premier concours (organisé par la Société d’horticulture), celui des plus beaux arbres fruitiers, première récompense d’une longue liste à venir.

Souhaitant donner de l’ampleur à son exploitation, Gabriel recherche des terrains propices dans le voisinage. Or, la ferme de la Saussaye, à la pointe nord de la commune de Chevilly-Larue (à l’emplacement de l’actuel Centre de recherches de L’Oréal) arrive justement bientôt en fin de bail. Gabriel traite avec son propriétaire, Pierre François Outrequin, possesseur et habitant du château de Chevilly. Le bail est signé le 29 mars 1845 avec entrée en jouissance fixée au 11 novembre 1847 et éché-ance au 11 novembre 1863.
La location comprend près de 20 hectares, dont 2 pour le corps de ferme, le jardin et le verger, et environ 18 hectares de terres labourables environnantes. Par des arrangements avec le propriétaire, Gabriel peut planter près de 4 hectares dès 1845 et s’installer dans la ferme le 1er octobre 1847. Son fils Gustave y naît le 30 juillet 1848. Un an après son installation à la Saussaye, le 30 septembre 1848, une commission de la Société d’horticulture vient visiter son exploitation et rend compte du travail déjà effectué : il y a 103 000 arbres fruitiers « formés propres à livrer » (poiriers, pommiers, pruniers, cerisiers, pêchers, abricotiers) et plusieurs milliers d’arbres verts et d’ornement ; l’enclos autour de la ferme sert d’ « école », zone d’expérimentation et d’observation avec un specimen de chacune des 650 variétés des arbres susdits, plus des fraisiers, framboisiers et figuiers, ainsi que divers pieds de vigne. Gabriel partage son savoir-faire en proposant sur place des cours pratiques et gratuits d’arboriculture à partir de juin 1850. Le 26 août suivant, une commission de la Société d’horticulture vient à la Saussaye reconnaître l’intérêt d’une espèce de pois, que Gabriel est le premier à introduire en France, et d’une nouvelle variété de figue qu’il a créée ; elle dénomme ce pois « gros sucré de Croux » et cette figue « superfine de la Saussaye ».

En 1852, Gabriel publie une Instruction élémentaire sur la conduite et la taille des arbres fruitiers, récompensée en 1853 par la grande médaille d’argent de la Société. En 1854 et 1855, il loue à la veuve de Pierre François Outrequin 9 hectares supplémentaires, soit 29 au total. Les terres de la Saussaye sont bonnes pour les arbres fruitiers, mais le sont moins pour les arbres d’ornement. Dès 1856, il achète des terres propices au Val d’Aulnay à Châtenay-Malabry ; en 1860, il y exploite 60 hectares achetés ou loués et y effectue activement des plantations. Il y transfère le siège de son établissement et son habitation en 1862. Le transfert de son exploitation de la Saussaye est alors effectué et achevé avant l’échéance du bail en novembre 1863. Notable local, il est le maire de Châtenay-Malabry de 1868 à 1871. Le succès de son exploitation châtenaisienne lui fait recevoir de nombreuses récompenses et la Légion d’Honneur, attribuée en 1878, année où il passe les rênes à son fils Gustave, plus de 4 ans avant son décès sur place le 20 février 1883. Les pépinières Croux existent toujours, à Genouilly dans la commune de Crisenoy en Seine-et-Marne, tenues par l’arrière-arrière-petit-fils de Gabriel, Emmanuel Croux, maillon actuel d’une dynamique dynastie de pépiniéristes, installée durant 16 ans à la Saussaye à Chevilly-Larue.

Marc Ellenberger, archiviste municipal

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