La convention de Chevilly du 4 avril 1814 (2e partie)

La défection du corps d’armée du maréchal Marmont à la suite de la convention signée au château de Chevilly a joué un rôle important dans l’abdication de Napoléon 1er.

En ce début avril 1814, les Chevillais ont l’occasion de voir de nombreux soldats ou officiers des armées coalisées, sur place ou à proximité. Ce sont soit des troupes en mouvement, tels des grenadiers russes venant prendre position le 3 avril à Rungis, soit des visiteurs ou des messagers du généralissime le prince de Schwarzenberg, venant à son quartier général au château de Chevilly ou en repartant, portant par exemple ses ordres du 3 avril au cas où l’armée napoléonienne avancerait. Une rumeur locale persistante a prétendu que le prince Guillaume de Prusse, futur empereur d’Allemagne Guillaume 1er, est venu à Chevilly ; il aurait été confondu avec un autre prince royal, le futur roi Guillaume 1er de Wurtemberg, qui est à la tête du 4e corps d’armée, en avant-garde des forces coalisées. Ce prince a établi son quartier général au château de Petit-Bourg à Évry, près d’Essonnes, où se trouve celui du maréchal Marmont, qui commande le 6e corps d’armée napoléonien. Il est impliqué dans les négociations et l’exécution de la convention de Chevilly du 4 avril entre Schwarzenberg et Marmont, concernant la défection de ce dernier ; il est prévu que le 6e corps quitte le soir ses positions pour gagner Versailles, puis la Normandie. L’enjeu est d’obtenir une paix rapide en empêchant une dernière offensive de Napoléon 1er (en ouvrant la route de Fontainebleau et en diminuant ses forces), l’obligeant de ce fait à abdiquer. Le 4 au matin, Schwarzenberg donne ses ordres pour arranger le passage nocturne du 6e corps à travers les lignes des coalisés par la route de Versailles, deux régiments de cavalerie l’escortant jusqu’à Fresnes, puis deux autres jusqu’à Versailles. De son côté, Marmont informe confidentiellement certains de ses généraux de sa décision de défection. Quelques troupes supplémentaires ayant rejoint entre-temps Fontainebleau, Napoléon envisage de reprendre Paris, mais les nouvelles de la capitale (notamment le décret du Sénat du 2 avril) circulent dans les rangs et sèment le trouble. Les maréchaux de Napoléon arrivent à le persuader d’abdiquer en faveur de son fils, son épouse Marie-Louise (fille de l’empereur d’Autriche) assurant la régence. Trois plénipotentiaires, le général Caulaincourt et les maréchaux Ney et Macdonald, partent dans l’après-midi à Paris pour y négocier avec les coalisés cette abdication et cette régence. Ils passent à Essonnes pour en informer Marmont ; bien embarrassé, il leur avoue les termes de la convention de Chevilly, qui devient caduque avec l’abdication conditionnelle de Napoléon. Les plénipotentiaires lui proposent de les accompagner pour se rétracter auprès de Schwarzenberg. Marmont délègue alors son commandement au général Souham et lui dit que les dispositions prises le matin sont suspendues. Les quatre hommes se rendent alors à Petit-Bourg au quartier général du prince de Wurtemberg pour demander des laissezpasser pour Paris. Ils y rencontrent Schwarzenberg, venu là momentanément. Certains textes situent cette rencontre à Chevilly, mais la présence du généralissime à Petit-Bourg est attestée par un ordre qu’il y écrit le soir. Schwarzenberg et Marmont renoncent publiquement à la convention de Chevilly, mais ils confèrent en privé pendant que les plénipotentiaires sont auprès du prince de Wurtemberg, avant de repartir. Arrivés très tard à Paris, les plénipotentiaires y rencontrent immédiatement le tsar Alexandre 1er. Celui-ci, pensant toute l’armée napoléonienne unie et dangereuse, se montre d’abord assez favorable à la proposition d’abdication conditionnelle et de régence, mais, apprenant le matin par un messager de Schwarzenberg que le 6e corps a bien fait défection dans la nuit, il impose une abdication pure et simple avec retrait de Napoléon à l’île d’Elbe. La veille au soir, un officier est venu à Essonnes pour demander que Marmont vienne vite à Fontainebleau rejoindre Napoléon (qui envisage malgré tout une offensive sur Paris) ; pensant le projet de défection découvert, le général Souham a eu peur de représailles et l’a exécuté comme initialement prévu. Ayant échoué dans leur mission, Caulaincourt et Macdonald reviennent dans l’aprèsmidi de ce 5 avril à Fontainebleau ; ils s’arrêteraient au passage à Chevilly pour y arranger avec Schwarzenberg une suspension d’armes de 48h, pour faciliter la suite des négociations. Napoléon se résout à accepter les nouvelles conditions d’abdication le 6 avril ; les coalisés et les plénipotentiaires signent à Paris le 11 avril une convention, que Napoléon ratifie le 13 : c’est le traité de Fontainebleau. Entre-temps, Schwarzenberg a transféré son quartier général à Saint-Cloud le 9 avril. Chevilly retrouve alors son calme habituel.

Marc Ellenberger, archiviste municipal

Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont
Portrait du maréchal Marmont (Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont) par Jean-Baptiste Paulin-Guérin. collection : château de versailles.

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