Chevilly-Larue durant la guerre de 1914 – 1918 [2nde partie]
L’année 1915 est la plus meurtrière de la guerre pour les soldats chevillais, avec 25 tués (8 habitants et 17 spiritains). Elle voit aussi l’arrivée, de juin à septembre, de 415 enfants réfugiés belges flamands et de leurs accompagnateurs adultes. Les 305 garçons sont hébergés au séminaire et les 110 filles au monastère Saint-Michel ; ils ne seront rapatriés qu’au printemps 1919. Il est fait appel à la générosité pour des dons de vêtements (certains enfants n’ayant rien pu emporter avec eux) et de nourriture. Des personnalités belges viennent assez souvent visiter les deux « colonies scolaires de l’Yser ». La venue le 15 décembre 1915 de la duchesse de Vendôme, soeur du roi des Belges, est l’occasion de grandes cérémonies patriotiques. La guerre se révélant plus longue et meurtrière que prévu, les réservistes jusqu’à 48 ans sont appelés en renfort, tandis que l’appel des nouvelles classes est fait de plus en plus tôt, dès l’âge de 18 ans pour la classe 1917 ; il est aussi possible de s’engager dès 17 ans. Le temps de formation militaire est réduit au minimum. Le 8 juin 1915, un escadron vient faire des exercices à Chevilly ; les fusils étant chargés, le commandant interdit de tirer, mais un officier oublie l’ordre : trois soldats et des chevaux sont blessés. Au front, des soldats sont condamnés à mort pour désertion ou abandon de poste ; deux Chevillais sont ainsi fusillés, Julien Desphèlippon le 10 février 1915 à Proven en Belgique et François Fromenteau le 11 septembre 1916 à Commercy (Meuse). Des problèmes croissants de ravitaillement obligent à prendre des mesures. Le Conseil municipal décide le 10 août 1915 de constituer un stock communal de 40 tonnes de charbon, porté à 60 tonnes en février 1916 et renouvelé les deux hivers ultérieurs ; le combustible est vendu aux indigents à raison de 50 kg par semaine et par ménage. Le 17 août 1918, le Conseil décide aussi d’acquérir 10 tonnes de bois de chauffage. Le rationnement du charbon depuis le 1er septembre 1917 oblige les Soeurs du monastère Saint-Michel à le réserver à leur activité de blanchissage qui leur procure des ressources, en ne chauffant pas l’hiver malgré le froid rigoureux qui fait plusieurs victimes. Le Conseil municipal décide le 17 mars 1917 de contribuer à l’entretien des prisonniers de guerre chevillais nécessiteux. Le 6 avril 1917, un dirigeable destiné à l’armée russe chute spectaculairement dans les tilleuls bordant le parc du séminaire, sans faire de victimes ; il faudra trois semaines pour le démonter et en enlever tous les morceaux. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficiles avec la forte augmentation des prix et le rationnement de certaines denrées (sucre, pain, tabac ...), du fait de la pénurie. Le Conseil municipal du 5 janvier 1918 envisage de donner la carte de pain aux habitants si les communes voisines appliquent cette même mesure. Il en est de même le 27 juillet 1918 pour la carte de tabac. À ces séances, il vote aussi une « indemnité de cherté de vie » au personnel communal (le secrétaire de la mairie, le garde-champêtre et le cantonnier). De janvier à juin 1918, Paris et certaines villes de banlieue subissent quelques bombardements ennemis épisodiques (par avion ou par canon à longue portée) ; une cave du séminaire sert d’abri, où se réfugient 20 habitants dans la nuit du 22 au 23 mars. Le son du canon d’alarme du fort des Hautes Bruyères à Villejuif effraye les Chevillais. En juin et en début juillet, durant l’offensive allemande, ils entendent avec inquiétude la canonnade des combats autour de Château-Thierry, à seulement 90 km ; la contre-offensive alliée victorieuse éloigne le danger. Le 11 novembre 1918, c’est enfin l’armistice. Les cloches de l’église Saint-Colombe sonnent à toute volée, accompagnées par celle du séminaire, qui, trop sollicitée, finit par se fausser ! Le 17 novembre, des Chevillais participent à Paris aux réjouissances en l’honneur du retour de « l’Alsace-Lorraine » à la France. Les prisonniers de guerre reviennent petit à petit. La démobilisation s’effectue par ordre d’âge décroissant du 1er décembre 1918 au 4 octobre 1919 ; elle ne concerne pas les soldats des classes 1918 et 1919 qui doivent finir leurs trois ans de service. Après avoir passé jusqu’à 7 ans, pour certains, sous les drapeaux, les hommes doivent reprendre leur place et se réadapter à la vie ordinaire, qui ne sera jamais comme avant. Certains sont affaiblis ou infirmes ; tous sont marqués par la guerre. Bien des familles sont en deuil. Le monument aux morts est inauguré le 16 novembre 1924 ; il rend hommage à 22 habitants et 51 spiritains « morts pour la France », avec l’espoir (trompé en 1939) que cette Grande Guerre serait « la der’ des ders ».
Marc Ellenberger, archiviste municipal