André Chéron, enfant et ouvrier de la briqueterie Bohy
André Chéron, né le 24 avril 1928 à Chambly (Oise) a 2 ans quand il arrive en 1930 à Chevilly- Larue avec sa famille : ses parents Marceau et Henriette, sa soeur Monique d’un an sa cadette, mais aussi ses grands-parents Clément et Gabrielle, sa tante Solange et son mari René Huart, et son oncle William, handicapé. Clément et René (comme menuisiers), Marceau et Solange (comme vernisseurs) travaillaient à la fabrique de brosses de Chambly avant d’être embauchés jusqu’à leur retraite à la briqueterie Bohy à Chevilly-Larue, suite à une annonce d’offres d’emploi. Cette entreprise est alors en expansion, avec notamment une nouvelle usine (de briques creuses). Les Chéron sont logés sur place, comme presque tout le personnel. Marceau devient enfourneur, d’abord à l’ancienne usine (de briques pleines) rue des Jardins, puis, dès 1931, à sa nouvelle annexe route de Rungis, près du lotissement Cottage-Tolbiac. Il habite avec sa famille un logement contigu, où naît la benjamine, Jacqueline, en mai 1931. Il deviendra contremaître en 1936. André entre à l’école maternelle en juin 1932, puis à l’école de garçons du Centre en septembre 1935. Le jeudi, jour libre alors, il accompagne sa mère quand elle fait des achats aux commerçants ambulants (épicier, boulanger). Les Chéron ont quelques lapins, dont ils gardent la peau quand ils en mangent. Les peaux sont vendues à un récupérateur qui passe épisodiquement avec sa camionnette ; un jour, André et ses copains attachent de vieilles casseroles à l’arrière du véhicule, s’amusant bien du tintamarre quand il redémarre. Avec ses wagonnets, la briqueterie est un grand terrain de jeux pour les garnements. Le Noël des enfants du personnel a lieu à la salle des fêtes à côté de la mairie. Durant le Front populaire, André va une fois avec son grand-père Clément à un meeting de Léon Blum à Sceaux. Lors du chantier du boulevard Jean Mermoz, qui coupe l’ouest de la briqueterie, les gamins y jouent dans l’égout en construction. André se coince dans un tuyau et doit être délivré par un passant. Le 12 juin 1938, André assiste avec son père à l’inauguration du boulevard à L’Haÿ-les-Roses. La proximité de l’aérodrome d’Orly n’est pas sans risque. Le 3 octobre 1937, André est effrayé par le survol à basse altitude dans le brouillard d’un avion militaire en difficulté qui s’écrase près de la rue Yvonne, le pilote étant tué. Environ un an après, un dirigeable se pose momentanément près l’aqueduc de la Vanne, le temps d’une réparation. L’usine de la route de Rungis est définitivement arrêtée à cette époque, faute de nouveaux terrains à exploiter. Marceau est mobilisé au début de la guerre. Le 13 juin 1940, à l’approche de l’armée allemande, les Chéron partent vers le sud en exode, d’abord en camion (vite en panne d’essence), puis à pied, dormant dans des granges, échappant au mitraillage par un avion le 15 juin à Artenay, avant d’être rejoints par l’ennemi le lendemain à Saran près d’Orléans. Ils reviennent quelques jours après chez eux (en train jusqu’à Choisy-le-Roi), André rapportant un vélo récupéré à Saran. De son côté, Marceau est fait prisonnier, mais s’évade le jour suivant et revient chez lui. Durant les étés de 1940 à 1942, André gagne un peu d’argent en travaillant avec sa mère à la forcerie de lilas des Souchet, coupant les « gourmands » (rameaux au pied des troncs). Les écoliers sont encouragés à récupérer des ferrailles, recevant un goûter en récompense. La briqueterie fonctionne au ralenti durant la guerre et des mesures sont prises contre le vol de charbon. André arrête sa scolarité en juin 1943 et devient apprenti, puis ouvrier tôlier-chaudronnier dans une entreprise à Montrouge. En 1945, les Chéron déménagent dans un logement boulevard Mermoz. André effectue son service militaire en Algérie en 1948. Le 19 avril 1952, il épouse Nicole Denis à Bourg-la-Reine ; ils auront quatre garçons. Il travaille un an à Cachan, avant d’être embauché en 1953 à la briqueterie Bohy, qui procure un logement à ses ouvriers, argument décisif en cette période de pénurie. Acceptant le dur travail au four, il bénéficie en 1955 d’un logement neuf dans la série des pavillons construits par l’entreprise le long du boulevard Mermoz ; il y vivra jusqu’à la fin de sa vie. Après le déménagement de la briqueterie en 1966 à Ollainville près d’Arpajon, il y travaillera jusqu’à sa retraite en 1985. À la fin de sa vie, André évoquait toujours avec plaisir ses souvenirs d’enfant et d’ouvrier de « la bricante ». Il s’est éteint à l’hôpital de Bicêtre le 18 janvier 2015 dans sa 87e année.
Marc Ellenberger, archiviste municipal