Il y a 70 ans : De l’Occupation à la Libération de Chevilly-Larue (1ère partie)
En mai 1944, voilà bientôt 4 ans que Chevilly- Larue vit sous l’Occupation et que des troupes allemandes casernent dans une partie du séminaire. L’espoir de la Libération semble alors se rapprocher, mais ce n’est pas sans inquiétude de la part de la population sur ses conséquences, comme en témoigne le texte contenu dans une bouteille solennellement scellée dans le socle du calvaire installé près de l’église le dimanche 21 mai : « L’angoisse et l’inquiétude grandissent, car on s’attend à un débarquement des troupes alliées, et on redoute ses conséquences inévitables : la famine [...], les bombardements [...] et, peut-être, l’exode forcé ». Depuis le début de l’Occupation, un certain nombre de Chevillais ne restent pas passifs devant les évènements, rejoignant la Résistance, avec le risque d’être tués, comme François Sautet et Georges Margueriteau, fusillés le 11 août 1942, ou déportés, comme notamment le docteur Léon Elmélik, arrêté le 14 mars 1943. Commencée modestement le 14 juillet 1941, la Résistance chevillaise a pris une importance croissante depuis. Toutes les actions ne sont pas spectaculaires, comme quelques sabotages, mais elles sont toujours dangereuses : impression, transport et distribution de tracts et journaux clandestins, réalisation et collage d’affiches, missions de liaison, etc. Robert Niclot ose coller des affiches sur le mur du séminaire presque sous le nez des sentinelles allemandes en poste dans la guérite au début de la voie de Rungis. Le risque est aussi d’être dénoncé par des collaborateurs, telle cette jeune femme habitant l’avenue des Sorbiers (actuelle avenue du Président Roosevelt), amante d’un officier allemand, qui a fait arrêter le 24 mai 1943 quatre jeunes résistants en train de peindre sur la chaussée « Vive de Gaulle ! Doriot au poteau !» Les Chevillais apprennent enfin par Radio-Londres le débarquement allié en Normandie le 6 juin 1944. Le lendemain, les troupes allemandes cantonnées au séminaire font des tours de ville avec leurs chars pour montrer leur force. Le 8 juin, trois jeunes résistants armés menacent le secrétaire de mairie pour qu’il leur remette la liste des requis pour le STO (Service du travail obligatoire) et des tickets d’alimentation. Le 23 juin, en réaction à des tracts annonçant l’arrivée imminente des Alliés, les occupants placardent des affiches sur les murs demandant à la population de rester calme et indiquant que tout maquisard, considéré comme franc-tireur, sera puni de mort. La tension monte au fur et à mesure de la progression des Alliés. Le matin du 14 juillet, les Chevillais ont la bonne surprise de voir le drapeau français flotter au sommet de la cheminée de la briqueterie Lepage, rue de Chevilly à L’Haÿ-les-Roses ; c’est l’oeuvre audacieuse du jeune résistant Marcel Jolivet. Craignant des représailles, le Maire, Ernest George, fait enlever le drapeau par les pompiers de Bourg-la-Reine. Le lendemain, un nouveau drapeau est là ; cette fois, Marcel Jolivet a descellé les barreaux supérieurs de la cheminée en redescendant, pour compliquer la grimpée. Les occupants renforcent la surveillance. Le 26 juillet, Henri Blondé est tué à la mitraillette par des miliciens, chez lui, rue Pierre Curie ; la milice indique qu’elle a aussi arrêté 11 «terroristes». Un résistant du quartier, Robert Nourry, venu aux nouvelles, a le visage éraflé par un balle. Il s’enfuit en laissant des gouttes de sang derrière lui et se cache dans le vide sous sa maison ; heureusement, son chien lèche son sang devant chez lui et les miliciens, perdant ainsi sa trace, abandonnent la poursuite. Les libérateurs approchant, les troupes allemandes quittent le séminaire le 17 août ; le lendemain, des résistants s’emparent du poste de garde du transformateur électrique. Des Soeurs du monastère Saint-Michel cousent des insignes F.F.I (Forces françaises de l’intérieur) avec des tissus apportés par le résistant Michel Hochart. L’effervescence gagne avec le début de l’insurrection de Paris le 19 août. Ce jour-là, des jeunes résistants chevillais ont l’imprudence d’arborer dans Chevilly leurs brassards F.F.I. ; ils sont poursuivis, mais arrivent à s’échapper, deux d’entre eux en se cachant dans le monastère. Le 22 août, le Comité local de libération, mené par Paul Hochart, responsable de secteur, vient occuper la mairie et destitue la municipalité en place d’Ernest George. Le même jour, un soldat allemand est tué près du monument de 1870 situé au bord de l’actuelle rue Paul Hochart ; l’occupant menace de détruire le quartier au lance-flamme si le coupable ne se dénonce pas. Tous les habitants de la rue Yvonne viennent alors se réfugier au séminaire. Heureusement, la menace n’est pas mise à exécution car l’approche des Alliés accapare les troupes ennemies. Le 23, elles mettent la Nationale 7 en état de défense et passent dans les rues armées de mitraillettes, prêtes à tirer. Les libérateurs arrivent à Antony et à Fresnes. La journée du 24 août s’annonce dure. (À suivre)
Marc Ellenberger, archiviste municipal
Marcel Jolivet, engagé dans la Résistance en octobre 1942, puis dans l’armée en octobre 1944, tué au combat en Alsace le 14 décembre 1944. collection famille jolivet